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Memory out of Time

Il est des événements dans la vie qui servent de point de départ à une catharsis ou à une révélation. C’est de cette manière que Dino Chatila explique la tournure du travail qu’il présente ici. D’un coup dur, il s’est relevé, et a voulu rendre coup pour coup, prenant pour adversaire le support de création, pour le mettre à nu ou à terre.

Sur la toile ou l’aluminium, il pose puis arrache ou élimine la matière colorée, comme autant de lambeaux d’un corps qu’il dépèce pour en extraire l’essence primale, la surface cachée sous la couleur. Le mot couleur vient d’ailleurs du latin celare, qui signifie cacher, tenir secret. Se camoufler sous un maquillage, sous une surface écran qui dissimulerait la vérité, celle que l’artiste tend à mettre au grand jour, à divulguer. Du lent travail de décomposition, il fait naître une image autre, comme pour en démasquer les strates successives.

Mais le corps à corps avec la matière ne s’arrête pas là. Dans d’autres œuvres, Dino Chatila tambourine le métal ou le plexiglas, le cognant, le saignant à blanc, à l’aide d’outils qui semblent être ses propres poings ou ses propres griffes, affligeant à la matière réflective des déformations successives qui dévoient la lumière et créent à la surface des reflets mouvants, presque aquatiques et immatériels.

Parfois, son obsession et son obstination vont jusqu’à percer la surface, la pénétrant pour aller découvrir ce qui se joue derrière elle, et retrouver l’essence-même des choses et des gestes derrière l’image ou les objets, ce chaos chatoyant, organique et violent, primitif et primordial, né de l’énergie instinctive contenue en tout acte dans la jouissance de la création.

Maud Salembier
AICA - Belgian Association of Art Critics